« Le Pays qui a tout les âges » Mongolie 2005-2006. Texte de présentation du sujet
Un de mes buts essentiels dans l’élaboration du sujet était de m’échapper à la mesure de mon possible des stéréotypes trop souvent montrés et que tout le monde pourra reconnaître par la phrase « le nomade mongole et la steppe ». J’ai une profonde aversion pour la représentation hâtive que l’on peut faire sur un pays, qui affecte considérablement le point de vue des habitants sur leur propre société. La Mongolie et son essor touristique récent est en particulier une victime de ce fléau. Ce n’est pas pour autant que je ne dévoile pas dans mon thème le nomade et la steppe (car il en fait tout de même partie) mais c’est la raison pour laquelle je tiens à montrer aussi ses villes et en particulier Ulaan Bataar sa capitale. Une ville impressionnante par son histoire. Une histoire chamboulée par le siècle dernier et ses changements de caps brutaux et tordus, une histoire qui se lit dans les murs et les yeux de cette ville. Une histoire que tout et tous feignent d’oublier pour se plonger au plus vite et sans réticence dans la nouvelle Ere Mondiale… Sans réticence ? Ou du moins celle ci est canalisée aux abords des villes où les perdants du « grand jeu » s’abiment en désillusions.
Le sujet photographique qui vous est présenté a été réalisé en Mongolie durant les étés 2005 et 2006. Il est construit en deux parties distinctes, celle de l’urbain et celle de la steppe, les deux parties sont traitées par deux approches stylistiques différentes, celle que l’on pourrait caractériser de réaliste, et l’autre d’onirique. Mon approche photographique pourrait être qualifiée de cette manière : l’humain, son environnement et ma contemplation narrative (l’autre, son milieu et moi) ; cette dernière emprunte au voyage le goût de ses déambulations hasardeuses. C’est un jeu de miroir entre le monde « nouveau » et « l’ancien » par lequel je regarde l’autre pour mieux me voir ; par ce jeu j’interroge ce pays qui me fascine et qui pour moi est un reflet évident du monde.
Et le nomade dans tout ça, celui qui s’attarde dans ces contrées lointaines et éreintantes, attendant souvent d’avoir la chance d’aller toucher de ses propres mains l’eldorado qu’on lui a promis dans cet autre jeu de miroir aguichant, subversif et unilatéral qu’est la télévision. La fierté de certains l’emporte aussi de temps à autres et on a envie de dire : tu as raison je ferais de même si j’étais à ta place, je me battrais pour ma dignité et je préserverai ce que pendant des siècles mes aïeux ont construit pour vivre en harmonie avec cette nature hargneuse ; mais au fond que ferions nous si l’on était à sa place ?
C’est cette alchimie d’ambiguïté que j’ai voulu retranscrire, cette fable contemporaine où le traditionnel l’ancien et le moderne se juxtaposent avec violence.
C’est un travail au fil de l’émotion, au fil d’un regard personnel, au cœur d’un pays qui a tout les âges…